Il y a très longtemps, alors que Madeleine était la plus jeune, papa a été piqué de la maladie de la pêche. Nous habitions St-Jean sur Richelieu et chaque fois qu'il faisait beau le samedi, durant la bonne saison, nous partions à bonne heure, avec tout ce que ça prenait pour pique-niquer et passer une journée dehors avec 6 petits. Nous allions à St-Paul-l'Île-aux-Noix louer une chaloupe. Les plus mordus partaient en chaloupe après avoir acheté les appâts, les autres s'amusaient sur la plage. Lise était souvent parmi les pêcheurs et a appris très jeune à empâter elle-même et porter un gant de cuir pour éviter piquée quand il fallait décrocher les fameux crapais soleil!
Nous mangions en pique-nique le midi, les pêcheurs repartaient sur l'eau, très souvent nous soupions sur la plage, en terminant avec un petit feu de camp en attendant la fin du jour. Puis, c'était le retour, les bains, les dodos pour les enfants, et pour les parents . . . évidemment il fallait tout défaire les bagages, sauver la nourriture, etc.


Plage Henry's Place
 
Un soir, où il avait fait très beau et la pêche avait été bonne, papa suggère: si on retournait demain? - Impossible! réplique maman, comment tout réorganiser si rapidement? Alors, le prochain beau samedi soir, assis ensemble en paix autour du petit feu, maman suggère...si on avait une tente, on serait rendu pour demain matin...
Et voilà, l'année suivante, on avait une tente, La première de toute une collection. 0n avait aussi un poêle Coleman, un fanal et une " glacière en foam ". La tente était une tente 'tourist' mesurant 8' x 8', les 4 filles y couchaient. Papa et maman se partageaient le " Station " et dans un vrai pup-tent (en toile de wigwam colorée plutôt pour enfants) les deux grands garçons couchaient sur un plancher 6' x 4' - seuls ou en la compagnie de Laddie - le collie qui avait très peur du tonnerre et trouvait presque toujours le moyen de se faufiler dans la petite tente, même s'il devait y traîner la table de pique-nique à laquelle il était attaché pour la nuit !

La première année, installés chez HENRY, le père de Jeannine Ménard Lafaille, " tante Jeannine ", avec son mari Conrad et leurs six petites filles; nous avions décidé, en arrivant à la fête de la St-Jean, de retourner à la ville et terminer ce premier essai de vie au grand air lorsqu'il commencerait à faire mauvais. En attendant l'arrivée du mauvais temps, tous les samedis soirs, on pliait bagage et on retournait à la ville pour une nuit. C'était l'occasion de prendre un 'vrai' bain, se laver les cheveux, faire le lavage, le repassage, aller à la messe le dimanche matin, manger un vrai repas le dimanche midi, et retourner vers la fin de l'après-midi à peu près à l'heure où les 'piqueniqueux' et les campeurs d'occasion quittaient le camping pour nous laisser la paix.

 

Cette année-là on a eu une crise de chaleur - les gens, même à la
campagne, couchaient sur les balcons…alors nous nous sommes trouvée très heureux dans notre petite installation de camping et sommes retournés à la 'ville' seulement pour les débuts des classes après la fête du travail ! Nous étions déjà fervents du camping ! Pendant quelques années, en ajoutant un peu d'équipement et deux Autres petits campeurs, nous sommes retournés au même endroit. Alain et Michèle ont passé leur premier été sous la tente. Quand Il pleuvait, les filles se retrouvaient souvent chez les petites 'cousines' à jouer aux Barbie dans le sous-sol. Parfois nous allions manger une soupe au restaurant, ou jouer dans le 'pavillon' pour faire un peu changement quand il ne faisait pas assez beau pour aller se baigner.
Madeleine et Lucie portait des grandes jaquettes de flanalette rouge. Souvent le matin, quand on se levait pour déjeûner, Madeleine n'était plus dans la tente…alors on la retrouvait qui se balançait en jaquette, quand elle n'avait pas été accueuillie par des gens généreux qui lui payait le petit déjeûner. Lucie avait une affinité pour l'eau…chaque fois que nous allions sur un quai, et que ce n'était pas l'heure ou même la saison de la baignade, Lucie tombait à l'eau toute habillée !
Quand c'était l'heure du déjeûner, au lieu d'allumer le Coleman, on ramassait les petites branches et on grillait les rôties chacun pour soi, au bout d'une branche qui finissait par chauffer d'autres rôties…

 
Durant ces années, jusqu'en 1966, on a élevé des lapins en camping,dans une grande cage que papa avait fait construire à l'atelier de Robert Desrosiers; on a trouvé un petit minou que Suzanne a ramené dans ses bras et qui s'appelait Catou et voyagerait avec nous jusqu'à Montréal et à bien d'autres étés en camping, notamment à
St-Rémi où il lui arriverait toutes sortes d'aventures.
À l'heure de la baignade, on se retrouvait au petit quai de bois près d'une plage de sable et à cette époque l'eau de la rivière Richelieu était très belle. Si claire, en effet, qu'on y retrouvait toujours des sangsues. Que d'aventures il y a eues à écraser ces choses dégueulasses avec des roches, ou à leur infliger des applications de sel. Pourtant je me souviens d'aucun incident où quelqu'enfant ait souffert d'une blessure à cause de ces petites bêtes. Elles servaient surtout à mettre de la vie de plus dans l'histoire de la baignade.

 

Les plus jeunes, pendant leur première année à la plage,restaient patiemment dans la marchette à laquelle on enlevait les roues et que l'on plaçait dans quelques pouces d'eau et les petits étaient alors très heureux de se tremper les orteils pendant que la marchette s'enfonçait peu à peu dans le sable. Plus ils se faisaient arroser quand les plus grands couraient près d'eux, plus ils étaient heureux! Les autres se baignaient selon leur niveau de natation - déjà Normand et Marc possédaient des brevets et pouvaient nager avec les grands, tandis que les autres s'amusaient comme on ne peut que s'amuser dans l'eau fraîche avec des amis durant les bellesjournées d'été. À la fin de la période de bain, qui durait jusqu'avant le prochain repas, on appelait Normand qui venait s'asseoir et prenait la relève de gardien de sécurité pendant que maman faisait une bonne saucette à son tour.

 
 
Chacun se souvient de petits incidents différents, mais tous se rappellent sûrement les voyages de retour vers le camping en provenance de St-Jean, lorsque nous passions devant la conserverie Lord et qu'on devait fermer rapidement toutes les fenêtres de l'auto, surtout au moment de la récolte de petits pois…et peu après c'était à qui pouvait commencer le premier à chantonner: "je vois la maison à ma tante…" À la fin de l'été 1966, lorsque nous décampions à la fête du travail, Monsieur Henry nous avertit qu'à cause d'Expo'67, beaucoup d'Américains avaient déjà réserver leur terrain pour l'été suivant, qu'il faudrait réserver bien à l'avance si nous désirions revenir et que nous aurions sûrement plusieurs proches voisins même si nous choisissions toujours de camper au bout du terrain que nous avions adopté dans le fond près du "petit ruisseau".
Ce fut notre dernier été au camping de la Plage Henry's Place.

Texte de Dorothy

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